Qu’est-ce qu’une caution ?
Selon l’article 2288 du Code civil, « le cautionnement est le contrat par lequel une caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci. »
Dans le cas de l’ouverture d’une procédure préventive ou collective, la question du sort de la caution se pose au regard des mesures de protection offertes au débiteur.
Une caution est-elle protégée au même titre que le débiteur vis-à-vis des créanciers ?
Selon l’article 2298 du Code civil : « La caution peut opposer au créancier toutes les exceptions, personnelles ou inhérentes à la dette, qui appartiennent au débiteur, sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de l’article 2293.
Toutefois la caution ne peut se prévaloir des mesures légales ou judiciaires dont bénéficie le débiteur en conséquence de sa défaillance, sauf disposition spéciale contraire. »
Cela signifie que les garants bénéficient de mesures protectrices dans la mesure où ils n’auront pas à souffrir de l’autorité de la chose jugée des décisions d’admission de créance, ni des conséquences critiquées des décisions de rejet de créances fondées sur l’irrégularité de la déclaration.
Toutefois, cela signifie également que, si aucun texte de protection de la caution n’est prévu, elle peut être librement poursuivie par les créanciers au regard de son engagement vis-à-vis du débiteur.
À cet égard, l’ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés et l’ordonnance n°2021-1193 du 15 septembre 2021 portant modification du livre VI du Code de commerce, ont réformé substantiellement le droit des sûretés et le droit des entreprises en difficulté, notamment la protection des garants du débiteur en difficulté.
I. Quel est le sort de la caution dans le cadre d’une procédure préventive (conciliation) ?
Quels sont les garants concernés ? Dans le cadre des procédures de prévention, les garants personnes physiques ainsi que les garants personnes morales sont protégées sur le même plan.
Quelles sont les protections offertes durant la procédure de conciliation ? L’article L. 611-7, alinéa 5 du Code de commerce dispose qu’« au cours de la procédure, le débiteur peut demander au juge qui a ouvert celle-ci de faire application de l’article 1343-5 du Code civil à l’égard d’un créancier qui l’a mis en demeure ou poursuivi ».
Cela signifie que les garants ont une grande marge de manœuvre. Ils peuvent, à la fois décider de ne pas participer aux négociations avec les créanciers, et peuvent également se prévaloir des délais de paiement ou des délais de grâce obtenus par le débiteur (C. com., art. L. 611-7, al. 5).
En effet, le débiteur peut bénéficier dans ce cadre de la suspension d’une créance devenue exigible ou du rééchelonnement d’une créance non encore échue, et ce, même si le créancier n’a pas accepté d’en suspendre l’exigibilité dans le délai donné par le conciliateur.
La loi prévoit que les délais de grâce accordés au débiteur par le juge bénéficient également à ses garants (C. com., art. L. 611-10-2, al. 1er).
Quelles sont les protections offertes pendant l’exécution de l’accord de conciliation ? Lors de l’exécution de l’accord, les garants du débiteur bénéficient des délais de grâce et remises de dettes accordés par les créanciers parties à l’accord de conciliation homologué ou constaté (C. com., art. L. 611-10-2, al. 1er).
Ils pourront également se prévaloir des délais de grâce octroyés à l’encontre d’un créancier appelé à la conciliation mais n’ayant pas signé l’accord.
Si, pendant l’exécution de l’accord, le débiteur est mis en demeure ou poursuivi par l’un des créanciers appelés à la conciliation dans le but d’obtenir le paiement d’une créance mais n’ayant pas signé l’accord, le juge qui a ouvert la procédure de conciliation peut faire application de l’article 1343-5 du Code civil, c’est-à-dire que la caution pourra se prévaloir des délais de grâce octroyés au débiteur à l’encontre de ce créancier (C. com., article L. 611-10-2 alinéa 1er).
En cas de caducité de l’accord de conciliation résultant de l’ouverture d’une procédure collective, le créancier recouvre l’intégralité de ses droits (C. com., article L. 611-12), mais ne conserve pas le bénéfice des nouvelles sûretés obtenues lors des négociations. De fait, le créancier ne peut pas se prévaloir des nouveaux cautionnements souscrits par le dirigeant dans le cadre de l’accord de conciliation devenu caduc (Cass. com., 25 sept. 2019, n° 18-15.655 : JurisData n° 2019-016499 ; RJDA 2/2020, n° 106 ).
II. Quel est le sort de la caution dans le cadre d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire ?
Les deux procédures obéissent aux mêmes règles depuis que l’ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021 a aligné le sort des garants en sauvegarde et en redressement judiciaire.
Quels sont les garants concernés ? En sauvegarde et en redressement judiciaire, seuls les garants personnes physiques sont protégés.
Quelles sont les protections offertes durant la procédure ? Les cautions bénéficient de :
- L’arrêt du cours des intérêts et de la suspension de l’anatocisme en vertu de l’article
622-28, alinéa 1er, du Code de commerce applicable au redressement par renvoi de l’article L. 631-14, alinéa 1er du même Code. Cela signifie que le débiteur se trouve libéré, pendant toute la durée de la procédure, de la charge des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que des intérêts de retard et des majorations inhérents aux contrats conclus.
- La suspension des poursuites en vertu de l’article L. 622-28, alinéa 2, du Code de commerce énonçant que : « le jugement d’ouverture suspend jusqu’au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation, toute action contre les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie » (applicable au redressement par renvoi de l’article L. 631-14, al. 1er).
Afin d’éviter que les garants utilisent cette suspension comme moyen d’organiser leur insolvabilité, l’article L. 622-28 alinéa 3, du Code de commerce précise que « les créanciers bénéficiaires de ces garanties peuvent prendre des mesures conservatoires. »
Ainsi, dans un arrêt du 14 juin 2023, la Cour de cassation a jugé que si l’ouverture de la procédure de sauvegarde entraîne la suspension des poursuites contre la caution du débiteur, le créancier n’est pas privé de toute action. Il est en effet autorisé à prendre des mesures conservatoires aux fins d’obtention d’un titre exécutoire, soit en période d’observation, soit pendant l’exécution du plan de sauvegarde (Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 14 juin 2023, 21-24.018, Publié au bulletin).
- Des mesures du plan de sauvegarde / plan de redressement : l’article L. 626-11 du Code de commerce énonce en ce sens que « Le jugement qui arrête le plan en rend les dispositions opposables à tous. À l’exception des personnes morales, les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent s’en prévaloir » (applicable au redressement par renvoi de l’article L. 631-19).
Par principe, le créancier peut assigner la caution pour obtenir contre elle un titre exécutoire couvrant la totalité de sa créance.
Toutefois, au regard des dispositions de l’article L. 626-11 précédemment citées, l’exécution forcée de ce titre, et donc les mesures de poursuites individuelles, ne peuvent être mises en œuvre tant que le plan est respecté (Cass. com., 27 mai 2014, n°13-18.018 ; Cass. com., 2 juin 2015, n°14-10.673, Bull. civ. IV, no 97, D. 2015 p. 1270, note Lienhard A ; Cass. com., 1er mars 2016, no 14-20.553, Bull. civ. IV, no 38, Rev. sociétés 2016, p. 398, note Roussel Galle Ph., D. 2016, p. 598).
Il est à noter qu’en cas de résolution du plan suivi du prononcé de la liquidation judiciaire, les cautions garantissant l’exécution dudit plan ne sont pas libérées, la rétroactivité ne joue pas.
- Du bénéfice de l’inopposabilité des créances non déclarées :
- Lors de la période d’observation, l’article L. 622-28, alinéa 2 du Code de commerce précise que le jugement d’ouverture suspend, jusqu’au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation, toute action contre les personnes co-obligées.
Lors de l’exécution du plan de sauvegarde, l’article L. 622-26, alinéa 2 du Code de commerce dispose que les créances non déclarées sont, pendant l’exécution du plan et après cette exécution, lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus, inopposables aux personnes coobligées (applicable au redressement par renvoi de l’article L. 631-14, alinéa 1er). Cette règle est perçue par la doctrine, comme une « porte de la libération grande ouverte aux cautions», rendant le recouvrement des créances plus aléatoire (Fasc. 200 : sauvegarde, redressement et liquidation judiciaires – Créanciers antérieurs titulaires de sûretés personnelles ou d’une sûreté réelle pour autrui (cautionnement, garanties autonomes, lettres d’intention…), G.AMLON, 1er déc. 2022).
Attention : si la caution personne physique est protégée pendant la sauvegarde et le redressement, ainsi que pendant le plan de sauvegarde et le plan de redressement, le cautionnement ne disparaît pas pour autant !
Côté créancier, il lui appartient de déclarer sa créance au passif du débiteur en procédure collective dans le délai légal. Le but est de fixer le montant et l’exigibilité de la dette garantie par le cautionnement.
À cet égard, il est précisé que la déclaration de créance du créancier au passif du débiteur principal d’une procédure collective interrompt la prescription à l’égard de la caution, cet effet se prolongeant jusqu’à la clôture de la procédure collective.
La caution pourra ainsi connaître l’étendue de son obligation et bénéficier des éventuels règlements effectués par le débiteur pendant le plan de sauvegarde ou de redressement.
Concernant la règle selon laquelle le créancier peut prendre des mesures conservatoires sur les biens de la caution, afin de garantir le recouvrement de sa créance, il doit toutefois respecter certaines conditions (Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 13 décembre 2023, 22-18.460, Publié au bulletin) :
- – Selon l’article L. 622-28, alinéas 2 et 3, du Code de commerce, rendu applicable au redressement judiciaire par l’article L. 631-14 de ce Code, le créancier bénéficiaire d’un cautionnement consenti par une personne physique en garantie de la dette d’un débiteur principal mis ensuite en redressement judiciaire peut prendre des mesures conservatoires sur les biens de la caution et doit, en application des articles L. 511-4 et R. 511-7 du Code des procédures civiles d’exécution, introduire dans le mois de leur exécution une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire couvrant la totalité des sommes dues, à peine de caducité de ces mesures.
- – Il en résulte que si l’obtention d’un tel titre ne peut être subordonnée à l’exigibilité de la créance contre la caution, le créancier muni de ce titre ne peut toutefois en poursuivre l’exécution forcée contre les biens de la caution qu’à la condition que la créance constatée par le titre soit exigible à l’égard de cette caution et dans la mesure de cette exigibilité, conformément aux dispositions de l’article L. 111-2 du code des procédures civiles d’exécution, le contrôle de cette exigibilité relevant, en application de l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire, de l’appréciation du juge de l’exécution en cas de contestation soulevée à l’occasion de l’exécution forcée du titre.
III. Quel est le sort de la caution dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire ?
Par principe, la liquidation judiciaire emporte la déchéance des termes des créances et les garanties deviennent immédiatement exigibles.
Toutefois, cette déchéance ne s’applique pas à la caution qui peut se prévaloir des termes initiaux puisque les garants ne bénéficient pas de la suspension des poursuites (renvoi de l’art. L. 641-3 à L. 622-28). Ils ne bénéficient pas non plus de l’inopposabilité des créances non déclarées (l’art. L. 641-3 ne renvoie pas à l’art. L. 622-26).
Il en ressort que les garants peuvent être librement poursuivis par les créanciers du débiteur en liquidation judiciaire (Cass. com., 1er juill. 2020, n°18-24.979).
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