Qu’est-ce qu’un tribunal des activités économiques ?
Les tribunaux des activités économiques, plus simplement dénommés TAE, ont été instaurés par l’article 26 de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.
Un TAE n’est pas considéré comme une juridiction autonome, mais plutôt comme une juridiction constituée au sein du tribunal de commerce. Certains articles de doctrine parlent même de « tribunal de commerce augmenté » ou de « tribunal des entreprises en difficulté ».
Plus concrètement, les TAE consistent en une juridiction expérimentale mise en place dans certaines régions, visant à expérimenter l’idée d’un tribunal unique pour gérer toutes les procédures amiables et collectives de certains professionnels rencontrant des difficultés dans leur activité.
Ils prendront effet pour une durée déterminée de quatre ans, à partir du 1er janvier 2025 et ce jusqu’au 31 décembre 2028.
Les tribunaux de commerce de douze villes sont renommés tribunaux des activités économiques : Auxerre, Avignon, Le Havre, Le Mans, Limoges, Lyon, Marseille, Nancy, Nanterre, Paris, Saint-Brieuc et Versailles. Le choix des tribunaux respecte un équilibre entre petits et grands tribunaux de commerce.
La loi dispose que ces nouveaux TAE seront chacun composés de juges consulaires bénévoles et plus précisément de juges élus du tribunal de commerce, de juges exerçant la profession d’exploitant agricole et d’un greffier du tribunal de commerce. Le juge exerçant la profession d’exploitant agricole est nommé par le ministre de la justice et ses fonctions cesseront à l’issue de l’expérimentation.
Il est important de préciser que le droit applicable devant les TAE demeure être celui propre au tribunal de commerce, aucune règle de droit n’est modifiée.
Quelles sont les raisons de sa mise en place ?
Jusque-là, les affaires étaient réparties entre le tribunal de commerce et le tribunal judiciaire du ressort dans lequel se situait le siège social de l’entreprise sollicitant l’ouverture d’une procédure.
Les différents objectifs sont, en premier lieu, le désengorgement des tribunaux judiciaires, et en second lieu de mesurer l’intérêt d’avoir un seul tribunal pour traiter l’ensemble des procédures amiables et collectives de tous les requérants.
La réflexion est menée dans une volonté de simplification et d’efficacité de la justice, dans la continuité des mesures déjà prises ces sept dernières années.
À titre d’illustration, la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice avait permis la création des tribunaux judiciaires, issu de la fusion des tribunaux d’instance et des tribunaux de grande instance.
L’expérimentation permettra de voir si les dossiers sont traités plus rapidement devant un TAE et plus particulièrement par les tribunaux ayant traditionnellement un important volume d’affaires à gérer.
Quelles sont les règles de saisine des TAE ?
- La compétence matérielle
Jusqu’alors, pour solliciter l’ouverture d’une procédure préventive ou collective, il fallait s’adresser au tribunal de commerce, compétent pour les professionnels exerçant une activité commerciale ou artisanale.
Par conséquent, le tribunal judiciaire était compétent pour ouvrir ces mêmes procédures pour les autres activités, notamment agricoles ou libérales.
Aujourd’hui, les TAE ont absorbé la compétence matérielle des douze tribunaux judiciaires concernés.
Ils deviennent seuls compétents pour traiter des procédures d’alertes, des procédures collectives et préventives, des procédures de traitement de sortie de crise ou encore des actions et contestations relatives aux baux commerciaux nées de la procédure collective et présentant avec celle-ci des liens de connexité suffisants, sollicitées par tous les professionnels, quels que soient leur statut et leur activité.
En pratique, les associations, exploitants agricoles, sociétés civiles et professions libérales doivent désormais effectuer leurs demandes auprès des TAE.
Attention, la seule exception à cette compétence exclusive concerne les professions réglementées du droit, soit les avocats, notaires, commissaires de justice, greffiers de tribunal de commerce, administrateurs et mandataire judiciaires ; qui eux relèvent toujours de la compétence du tribunal judiciaire.
- La compétence territoriale
Par principe, lorsque le débiteur est une personne morale, le tribunal territorialement compétent est celui dans le ressort duquel le débiteur a son siège social.
Dans le cas d’un débiteur personne physique, le tribunal territorialement compétent est celui dans le ressort duquel le débiteur à son domicile professionnel.
De fait, tout débiteur, mis à part les professionnels du droit, dont le siège social/ domicile professionnel se situe dans le ressort de l’un des douze tribunaux des activités économiques, doit alors solliciter l’ouverture d’une procédure devant ce dernier.
Toutefois, il existe une exception permettant de porter sa demande devant un TAE, et ce malgré le fait que le siège social/ domicile professionnel ne situe pas dans son ressort. Deux conditions cumulatives doivent être remplies :
- La procédure doit avoir été sollicitée à partir du 1er janvier 2025 dans le ressort étendu d’un des TAE suivant : Lyon, Marseille, Nanterre et Paris.
- L’entreprise doit compter au moins 250 salariés et le montant net du chiffre d’affaires doit être d’au moins 20 millions d’euros, ou bien le montant net du chiffre d’affaires doit être d’au moins 40 millions d’euros, quel que soit le nombre de salariés.
Comment se déroule le suivi de cette expérimentation ?
Le décret n° 2024-674 du 3 juillet 2024 relatif à l’expérimentation du tribunal des activités économiques en fixe les modalités de suivi et d’évaluation.
- Le comité de pilotage
Un comité de pilotage a été mis en place.
Il est composé du premier président de la Cour d’appel du ressort dans lequel se situe le TAE, du procureur général, d’un président de tribunal des activités économiques, d’un greffier, d’un administrateur, d’un mandataire judiciaire et d’un bâtonnier.
Sont également intégrés au comité des membres de la vie économique intéressés par l’expérimentation : le président de la Conférence générale des juges consulaires de France, le vice-président du Conseil national des tribunaux de commerce et le président du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce.
Globalement, le rôle du comité est de veiller au bon déroulement de l’expérimentation et au fonctionnement efficace des TAE.
Le comité de pilotage a dû s’assurer que les parties prenantes aient été correctement informées de la mise en œuvre de l’expérimentation par la préparation d’une documentation spécifique qui leur a été distribuée.
Il doit également préparer le questionnaire de satisfaction prévu par la loi du 20 novembre 2023, à destination des justiciables et des auxiliaires de justice.
Pour assurer le bon déroulement de leurs missions, les membres du comité se pilotage devront se réunir périodiquement, pour proposer des évolutions réglementaires ou organisationnelles au fur et à mesure de l’expérimentation.
- Le comité d’évaluation
Le comité d’évaluation est composé, tout d’abord, de deux députés et deux sénateurs désignés respectivement par le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat. Ensuite, les membres du comité de pilotage. Pour finir, les autres membres désignés sont :
- Un conseiller à la Cour de cassation ;
- L’inspecteur général (chef de l’inspection générale de la justice) ;
- Un premier président d’une Cour d’appel, dans le ressort de laquelle un tribunal de commerce n’expérimentant pas le tribunal des activités économiques a son siège ;
- Un procureur général près une Cour d’appel, dans le ressort de laquelle un tribunal de commerce n’expérimentant pas le tribunal des activités économiques a son siège ;
- Un président d’un tribunal judiciaire, dans le ressort duquel un tribunal de commerce n’expérimentant pas le tribunal des activités économiques a son siège ;
- Un procureur de la République près un tribunal judiciaire, dans le ressort duquel un tribunal de commerce n’expérimentant pas le tribunal des activités économiques a son siège ;
- Un président d’un tribunal de commerce n’expérimentant pas le tribunal des activités économiques ;
- Un greffier d’un tribunal de commerce n’expérimentant pas le tribunal des activités économiques ;
- Un universitaire spécialisé en matière de difficultés des entreprises.
Le comité d’évaluation possède des pouvoirs plus aboutis, notamment la possibilité de pouvoir intervenir directement au sein des TAE avec un pouvoir « d’investigation ».
Dans un premier temps, les membres pourront assister à des audiences du TAE.
Dans un second temps, le comité pourra procéder à diverses auditions : celles de magistrats, d’avocats, administrateurs judiciaires ou encore tout professionnel du droit ayant participé à une audience du TAE, mais également des auditions de parties dont la procédure se déroule devant le TAE, avec leur accord.
Dans un troisième temps, les membres seront assistés par le pôle d’évaluation de la justice civile pour les travaux statistiques et pourront solliciter des études académiques ou scientifiques.
Dans un dernier temps, le comité d’évaluation pourra entendre des représentants d’organisations syndicales, d’organisations professionnelles, d’associations et d’instances concernées par l’expérimentation du TAE et échanger avec eux sur la plus-value de cette expérimentation.
Le comité d’évaluation devra se réunir périodiquement pour assurer le suivi de l’expérimentation, a minima trois fois par an.
- Le rapport d’évaluation
Huit mois au moins avant le terme de l’expérimentation, un rapport d’évaluation sur l’expérimentation des TAE devra être remis par le comité d’évaluation au Garde des sceaux, qui aura ensuite deux mois pour le remettre au Parlement.
Le rapport d’évaluation devra contenir :
- Une évaluation de l’impact de l’expérimentation du TAE sur les juridictions concernées, notamment sur les compétences étendues et concomitamment pour les tribunaux judiciaires, les compétences restreintes ;
- Une appréciation sur les conditions de déroulement de l’expérimentation, notamment quant à l’échantillon des tribunaux concernés, sur sa durée, ou encore sur sa pertinence ;
- Une identification des perspectives d’évolution du TAE dans sa compétence et sa composition pour permettre de se prononcer sur la généralisation de l’expérimentation ;
- Un état des moyens financiers, sociaux ou encore techniques nécessaires au fonctionnement du TAE avec des propositions pour remédier à d’éventuels problèmes ;
- Une analyse de certaines données chiffrées de l’expérimentation :
- Le nombre de dossiers dont les TAE ont été saisis pendant les quatre années de l’expérimentation,
- Le nombre d’actions et de contestations relatives aux baux commerciaux et les motifs retenus pour caractériser les liens de connexité avec la procédure,
- Une comparaison avec les tribunaux ne relevant pas de l’expérimentation, quant à la durée des procédures collectives ou encore le taux de réformation des décisions ;
- Les avis des justiciables et des auxiliaires de justice sur le déroulement de la procédure devant le TAE et la qualité du service rendu, eu égard aux résultats donnés par les questionnaires de satisfaction préparés par le comité de pilotage.
La réussite ou non de cette expérimentation pourrait mener à son éventuelle généralisation à l’ensemble du territoire français.
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