Le fonds de commerce est composé de biens corporels et incorporels affectés à l’exercice d’une activité commerciale.
L’article L.142-2 du Code de commerce énumère les composantes du fonds :
- La clientèle,
- Le droit au bail,
- Le nom commercial et l’enseigne,
- Les autres éléments incorporels : fichiers des clients, brevets, licence (licence IV ou licence de restauration, par exemple), autorisations administratives, droits de propriété littéraire et artistique et droits de reproduction et de publication et les dessins et modèles ; et
- Les éléments corporels : matériel, mobilier, outillage, aménagements, agencements, installations…
En cas de cession du fonds dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire, ni les dettes, ni les créances ne font l’objet d’un rachat.
Sur les modalités de cession du fonds de commerce, l’article L. 642-19 du Code de commerce dispose que « Le juge-commissaire soit ordonne la vente aux enchères publiques, soit autorise, aux prix et conditions qu’il détermine, la vente de gré à gré des autres biens du débiteur lorsqu’elle est de nature à garantir les intérêts de celui-ci. Lorsque la vente a lieu aux enchères publiques, il y est procédé dans les conditions prévues, selon le cas, au second alinéa de l’article L. 322-2 ou aux articles L. 322-4 ou L. 322-7. »
Ici, nous nous concentrerons sur la vente de gré à gré, autorisée par le juge-commissaire.
La cession isolée du fonds de commerce obéit à des règles spécifiques de la procédure collective, mais également au droit commun de la cession de fonds de commerce.
Les étapes de la procédure de reprise pour un potentiel repreneur
Appel d’offres
C’est au liquidateur judiciaire nommé par le tribunal qu’il appartient de lancer l’appel d’offres pour le fonds de commerce à vendre.
Les annonces portant sur la cession des fonds de commerce des entreprises en liquidation judiciaire sont généralement publiées dans la presse et sur des sites spécialisés, tels que :
- Le Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (CNAJMJ) recense les entreprises et actifs à céder publiés sur Internet par les professionnels des procédures collectives (administrateurs et mandataires judiciaires) : http://ventes-actifs.cnajmj.fr
- L’Association syndicale professionnelle d’administrateurs judiciaires(ASPAJ) publie les annonces des entreprises à céder de ses membres sur le site AJINFO : https://www.aspaj.fr/je-veux-reprendre-une-entreprise/
Le respect du calendrier fixé
Une date limite de dépôt des offres est fixée par le juge-commissaire et l’offre de reprise doit être adressée dans le délai imparti, sous peine de nullité de l’offre.
À la fin du délai, les offres reçues considérées comme sérieuses seront transmises au juge-commissaire qui statuera en rendant une ordonnance de cession.
L’examen du cahier des charges
Le liquidateur judiciaire va mettre à la disposition des potentiels repreneurs, l’ensemble des documents en sa possession, nécessaires pour leur permettre de rédiger l’offre la plus intéressante.
À cette fin, il est important pour le repreneur d’étudier tous les éléments compris dans le fonds de commerce.
Il faut être particulièrement vigilant s’agissant des clauses particulières relatives au bail (cf. infra).
Lorsque s’ouvre une liquidation judiciaire, le régime du bail commercial est important car le droit au bail est souvent le principal actif que va pouvoir céder le liquidateur.
Dans le cas où le droit au bail est compris dans la cession du fonds de commerce, il faut être particulièrement vigilant sur les clauses contractuelles restreignant la cession dudit bail restant applicables en cas de cession isolée des actifs.
En effet, l’article L. 641-12 alinéa 5 du Code de commerce précise que cette cession du bail intervient « dans les conditions prévues au contrat conclu avec le bailleur avec tous les droits et obligations qui s’y rattachent » et ce, même si les conditions ne sont pas reproduites dans l’ordonnance du juge-commissaire autorisant la cession (Cass. com., 27 sept. 2011, n° 10-23.539).
L’inobservation des clauses relatives à la cession du bail peut être sanctionnée par un refus de renouvellement du bail, par la résolution du bail soit de plein droit en application d’une clause du bail soit par résolution judiciaire, et éventuellement des dommages et intérêts.
Les clauses à bien identifier et analyser au préalable
Clause d’agrément
Cette clause insérée au contrat de bail est une clause d’interdiction conditionnelle, stipulant que le locataire ne pourra céder son droit au bail sans le consentement exprès et par écrit du bailleur, ou sans avoir obtenu au préalable son autorisation.
Cet agrément permet notamment au bailleur un contrôle de la régularité de la cession, de la solvabilité ou encore de la compétence de l’acquéreur éventuel (CA Lyon, 3e ch. civ., 13 sept. 2007, n° 05/06215 : JurisData n° 2007-345195).
Cette clause est reconnue valable par la jurisprudence car elle ne constitue pas une interdiction absolue pour le locataire de céder et peut être appliquée dans le cadre d’une cession de fonds de commerce en liquidation judiciaire.
En effet, le bailleur ne peut pas interdire à son locataire de céder son fonds de commerce avec son bail commercial sans motifs légitimes (Cass. 3e civ., 12 janv. 2005 : Rev. loyers 2005, p. 202, n° 104 ; AJDI n° 6, 10 juin 2005, p. 475 , obs. Chr. Denizot).
Cette clause est impérative, que le bail soit cédé seul (Cass. com., 3 juin 2009, n° 07-15.708) ou dans le cadre d’une cession de fonds de commerce (Cass. com., 14 oct. 1997, n° 95-18.029).
Le liquidateur judiciaire doit donc appliquer la clause d’agrément d’un bail commercial (Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 19 avril 2023, 21-20.655, Publié au bulletin).
Clause de solidarité inversée
En vertu de l’article L. 641-12 alinéa 4 du Code de commerce, lorsque le liquidateur cède le bail, toute clause imposant au cédant des dispositions solidaires avec le cessionnaire est réputée non écrite. En effet, cela paraît inconcevable que le cédant puisse se porter garant du cessionnaire.
A contrario, la clause dite de solidarité inversée, qui prévoit que le cessionnaire du bail commercial s’engage à régler les arriérés locatifs du cédant, antérieurement à la cession, est application.
Au regard de l’article L. 641-12 alinéa 4 du Code de commerce « Le liquidateur peut céder le bail dans les conditions prévues au contrat conclu avec le bailleur avec tous les droits et obligations qui s’y rattachent ».
Par interprétation contraire à la règle protectrice du cédant et au regard de la jurisprudence, il a été admis que le cessionnaire devra respecter les clauses de solidarité lui imposant de garantir le paiement des sommes restant dues par le locataire, cédant placé en liquidation judiciaire.
Ces clauses seront opposables au cessionnaire, bien qu’elles n’aient pas été reproduites dans l’ordonnance du juge-commissaire autorisant la cession (Cass. com., 27 sept. 2011, n° 10-23.539, FS-P+B).
Il est donc primordial de bien analyser le contrat de bail commercial avant de formuler une offre de reprise d’un fonds de commerce (incluant la reprise du bail) en liquidation judiciaire, afin de voir si une clause de solidarité inversée est prévue ou non dans le bail.
Priorité à l’embauche des salariés licenciés
Les salariés licenciés ont la possibilité de solliciter leur réintégration au sein de l’entreprise.
Selon l’article L. 1233-45 du Code du travail : « Le salarié licencié pour motif économique bénéficie d’une priorité de réembauche durant un délai d’un an à compter de la date de rupture de son contrat s’il en fait la demande au cours de ce même délai. »
Là encore, cette disposition est à prendre en considération lors de la rédaction d’une offre de reprise.
La rédaction de l'offre de reprise
En principe, le cahier des charges établi par le liquidateur judiciaire précise les modalités de rédaction de l’offre de reprise.
Dans le cadre d’une vente de gré à gré, l’offre de reprise doit, a minima, contenir les mentions suivantes :
-
- L’identité du repreneur (avec un justificatif d’identité pour une personne physique ou un K-bis pour les personnes morales) ;
- L’actif que le potentiel acquéreur entend reprendre, ici le fonds de commerce (liste, descriptif…) ; et
- Le prix proposé avec, le cas échéant, la ventilation entre les éléments corporels et incorporels, les modalités de paiement et la justification de la solvabilité à hauteur du prix.
Que se passe-t-il une fois l'offre déposée ?
Audience devant le juge-commissaire
Les différents repreneurs font parvenir leur offre au Greffe du Tribunal concerné avant la date limite de dépôt des offres.
Cette offre de reprise est définitive, puisqu’elle ne pourra, ni être modifiée, ni être retirée, engageant le candidat jusqu’à la décision du tribunal.
Une audience se tient devant le juge-commissaire. Ce dernier procède à l’ouverture des offres sous pli cacheté et les présente au cours d’une audience.
Par la suite, le juge-commissaire entendra les différents candidats convoqués ainsi que le liquidateur judiciaire sur le contenu des différentes offres.
L’ordonnance de cession
La procédure de reprise se caractérise par sa rapidité, de deux à quinze jours après le dépôt de l’offre. Ce délai, très court, s’explique par l’urgence de la situation dans laquelle se trouve l’entreprise en liquidation judiciaire.
À cette fin, le juge-commissaire rendra une ordonnance de cession.
Le paiement du prix
La vente d’un fonds de commerce en liquidation n’est assortie d’aucun délai de rétractation, ni d’aucune condition suspensive.
Il est nécessaire que l’acquéreur possède la somme d’argent correspondant au prix proposé. Le paiement ne peut se faire que comptant par chèque de banque et non en contractant un prêt bancaire.
Toute offre sous enveloppe ou en direct doit alors assortie :
- d’un chèque de banque correspondant à la totalité du prix ; ou bien
- d’un chèque de banque correspondant à 10 % du prix proposé, accompagné de garanties pour une offre supérieure à 100.000 euros.
Rédaction de l’acte de cession
En pratique, c’est très souvent le conseil mandaté par le liquidateur judiciaire qui rédige l’acte de cession du fonds de commerce.
Il est donc conseillé de solliciter au préalable du liquidateur judiciaire un devis de son conseil qui se chargera de la rédaction de l’acte pour anticiper ce coût qui peut être non négligeable.
Les suites de la vente
Le transfert de propriété
Le transfert de propriété interviendra après le paiement complet du prix de cession, selon les modalités précédemment exposées, la purge des délais d’appel (10 jours devant la Cour d’appel) et de préemption et la signature de l’acte de cession (Cass. Com. 6 juin 2000, n°97-21.480).
La publication de la vente
Les règles de droit commun des articles L. 141-12 et L. 141-13 du Code de commerce s’appliquent en liquidation judiciaire.
De fait, l’acquéreur du fonds doit faire publier la vente dans les 15 jours :
- D’une part, sous forme d’avis ou d’extrait dans un journal d’annonces légales, et
- D’autre part, sur un support habilité à recevoir des annonces légales dans le département de situation du fonds.
L’acquéreur doit également, dans le mois suivant la signature, faire enregistrer l’acte de cession auprès des services fiscaux.
Au regard des très nombreux points de vigilance à prendre en compte, tant dans l’analyse du cahier des charges, que dans la rédaction de l’offre de reprise, il est fortement recommandé aux candidats repreneurs de faire appel à un avocat spécialisé, qui les accompagnera tout au long du processus de reprise d’un fonds de commerce en liquidation judiciaire.
Pour en savoir plus : La cession de gré à gré d’actifs isolés en liquidation judiciaire
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