La cessation des paiements vous guette ? Pas de panique, je vous explique !
C’est quoi la cessation des paiements ? C’est quand votre entreprise a plus de mal à payer ses dettes qu’un élève de primaire à finir ses épinards (façon de parler).
La notion de cessation des paiements est visée par l’article L. 640-1 du Code de commerce qui renvoie implicitement à l’article L. 631-1 du même Code qui en donne la définition suivante : c’est « l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ».
En termes juridiques, la cessation des paiements se définit donc comme l’impossibilité pour une entreprise de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.
C’est une notion avant tout juridique. C’est plus une notion de trésorerie qui doit prendre en compte les éléments dynamiques de la vie d’une entreprise.
En résumé, cela signifie qu’une entreprise ne peut pas payer ce qu’elle doit.
Il est précisé que pour l’entrepreneur individuel, depuis le 15 mai 2022, l’appréciation de l’état de cessation des paiements n’est menée que sur son patrimoine professionnel.
Voyons en détail la définition de l’état de cessation des paiements et de ses éléments constitutifs que sont l’actif disponible et le passif exigible.
Définition de l’actif disponible
L’actif disponible désigne l’ensemble des liquidités en caisse et en banque, ainsi que le réalisable susceptible d’une conversion immédiate en disponible.
C’est l’actif immédiatement réalisable par l’entreprise. C’est donc avant tout la trésorerie et les liquidités de l’entreprise.
Mais ce sont également les biens rapidement mobilisables pour obtenir rapidement des fonds. Selon la jurisprudence, sont concernées les créances de certitude et de perspective d’encaissement à très court terme.
En synthèse, ce sont les sommes dont l’entreprise peut immédiatement disposer pour réaliser le paiement immédiat d’une dette : ce sont donc par exemple les sommes détenues en caisse, les sommes déposées sur les comptes bancaires, les valeurs mobilières immédiatement disponibles.
Les actifs dont la réalisation nécessite un certain délai ne sont pas pris en compte dans le calcul de l’actif disponible (comme les immobilisations).
Ainsi, selon la Cour de cassation, la valeur du fonds de commerce qui n’a pas encore été vendu ne peut être prise en compte dans le calcul de l’actif disponible (Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 15 février 2011, 10-13.625, Publié au bulletin).
En revanche, la provision d’un chèque de banque, qui existe au profit du porteur pendant le délai de prescription d’un an de l’action du porteur de ce chèque contre le tiré, est considérée comme de l’actif disponible (Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 18 décembre 2007, 06-16.350, Publié au bulletin).
Par conséquent, une entreprise peut être juridiquement solvable mais être techniquement en état de cessation des paiements.
En effet, la notion d’état de cessation des paiements se distingue de celle d’insolvabilité, caractérisée par l’insuffisance des actifs pour couvrir le passif (dans la globalité).
Définition du passif exigible
Le passif exigible désigne le passif échu, qu’il soit exigé ou non par le créancier concerné : il s’agit des dettes arrivées à échéances et non réglées.
Le passif exigible comprend donc les dettes certaines, liquides et exigibles de l’entreprise. Ce passif n’a pas été payé alors qu’il aurait dû l’être.
Par exemple, les échéances d’un prêt bancaire non encore arrivées à échéances au jour où le Tribunal statue sur la demande d’ouverture de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire sont exclues du passif exigible.
Il en est de même pour les dettes dites litigieuses car elles correspondent à du passif contesté dans son montant ou son principe. C’est par exemple le cas des dettes qui font l’objet d’instances pendantes devant les juges du fond. Cela s’explique par le fait que les dettes litigieuses ne sont ni certaines, ni liquides.
Par ailleurs, il importe peu que la dette soit civile ou commerciale, qu’il n’en existe qu’une seule ou qu’il y en ait beaucoup.
Le passif qui n’est pas exigé n’est exclu du calcul du passif exigible que si le débiteur démontre que le créancier concerné lui a accordé un délai de paiement.
Ainsi, le débiteur qui justifie de réserves de crédit ou de moratoires (délais de paiements), dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettant de faire face au passif exigible, n’est pas en cessation des paiements.
En pratique, le débiteur en apporte la preuve par un écrit. Mais l’accord peut aussi être verbal.
En résumé, en l’absence d’un moratoire, la simple absence de réclamation du paiement par un créancier est insuffisante pour exclure la dette concernée du calcul du passif exigible.
Les réserves de crédit sont prises en compte dans le calcul de l’actif disponible car elles permettent au débiteur de payer ses dettes, sans que la dette de remboursement ne soit encore exigible.
Quid des dettes intra-groupe ? Selon la jurisprudence, « une avance de trésorerie qui n’est pas bloquée ou dont le remboursement n’a pas été demandé » constitue de l’actif disponible (Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 16 novembre 2010, 09-71.278, Inédit).
C’est par exemple le cas de concours bancaires sous la forme de facilités de caisse accordées par un établissement de crédit.
Selon la jurisprudence, le capital social non libéré d’une société, qui constitue une créance contre les associés, ne peut être assimilée à une réserve de crédit (Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 23 avril 2013, 12-18.453, Publié au bulletin).
La preuve de l’état de cessation des paiements
Le Tribunal, qui constate la cessation des paiements du débiteur, doit justifier sa décision en comparant le passif exigible et l’actif disponible, éléments constitutifs de la cessation des paiements.
En effet, le passif exigible doit être comparé à l’actif disponible. Le déséquilibre en faveur du passif exigible permettra de caractériser l’état de cessation des paiements. La preuve incombe au demandeur à l’action.
En pratique, la constatation de la cessation des paiements résulte de la déclaration de cessation des paiements du débiteur qui doit solliciter l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation (en pratique, on parle de dépôt de bilan) dans les 45 jours de la cessation des paiements.
A moins que, dans ce délai, le débiteur n’ait demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation – procédure de prévention amiable et confidentielle.
Cependant, si le demandeur d’ouverture de la procédure collective est un créancier, il s’appuiera par exemple, pour démontrer l’état de cessation des paiements de l’entreprise concernée, sur les défauts de paiements, les rejets de chèques pour défaut de provision, les inscriptions de privilèges, l’ancienneté des créances, les procédures d’exécutions infructueuses.
Selon la jurisprudence, le refus de paiement d’une dette exigible ne permet pas de démontrer l’état de cessations des paiements. En effet, un débiteur peut refuser de payer pour diverses raisons. Cela permet d’éviter que la procédure collective ne soit utilisée comme moyen de pression par un créancier.
La preuve de l’état de cessation des paiements sera donc plus difficile à apporter si le demandeur est un créancier. En revanche, si le créancier demandeur est l’établissement de crédit habituel du débiteur, la preuve sera plus facile à apporter puisqu’il a accès au compte bancaire de l’entreprise.
Le Tribunal ne doit pas tenir compte des sommes que le débiteur s’est procurées ou a tenté d’obtenir par des procédés frauduleux ou ruineux (par exemple : emprunts onéreux, sûretés ruineuses, avantages particuliers consentis à certains créanciers, cessions d’actifs à vil prix, etc.).
La cessation des paiements est une condition d’ouverture des procédures de redressement et de liquidation judiciaires.
En revanche, pour l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, le débiteur ne doit pas être en état de cessation des paiements. Etant donné que l’initiative d’une procédure de sauvegarde appartient au débiteur, il lui appartient de démontrer qu’il n’est pas en état de cessation des paiements. Il peut, par exemple, s’appuyer sur sa comptabilité.
Pour l’ouverture des procédures de redressement et de liquidation judiciaires à l’initiative de l’entreprise en difficulté, les juges sont, en pratique, moins exigeants pour la preuve de l’état de cessation des paiements. Attention : la preuve de l’état de cessation des paiements peut résulter de l’aveu du débiteur lors de l’audience d’ouverture.
Il est précisé que l’état de cessation des paiements ne fait pas obstacle à la possibilité pour une entreprise de solliciter l’ouverture d’une procédure de conciliation, procédure amiable et de prévention des difficultés, si l’état de cessation des paiements ne remonte pas à plus de 45 jours.
La date de la cessation des paiements
L’appréciation de la cessation des paiements se fait au moment où la juridiction statue. Aussi bien en première instance qu’en appel.
Par conséquent, l’appréciation ne se fait pas au jour où le Tribunal est saisi de la demande d’ouverture. Ainsi, lors de l’audience d’ouverture, le Tribunal doit tenir compte de l’évolution de la situation financière de l’entreprise depuis le dépôt de la déclaration de cessation des paiements. Par exemple, si le débiteur a régularisé un impayé entre-temps, le Tribunal doit en tenir compte.
Fixation de la date de la cessation des paiements
Le Tribunal fixe la date de cessation des paiements.
Si le juge est dans l’impossibilité de la déterminer avec certitude, la cessation des paiements est réputée être intervenue à la date du jugement qui la constate (article L. 631-8 du Code de commerce). Le juge a la possibilité de la modifier au cours de la procédure, ce qui n’est pas rare en pratique.
Le juge peut également décider, grâce aux éléments dont il dispose, de fixer la date de cessation des paiements à une date antérieure à celle du jugement d’ouverture. Mais cela est encadré :
- Il ne peut fixer une date antérieure de plus de 18 mois à la date du jugement d’ouverture ;
- Selon la jurisprudence, la date de cessation des paiements ne peut être fixée à une date où le débiteur n’avait pas encore, ou n’avait plus, qualité pour être l’objet d’une procédure collective (par exemple, tel est le cas si la société n’était pas encore immatriculée) ;
- Si l’entreprise a bénéficié d’une procédure de conciliation antérieure, la date de cessation des paiements ne peut être reportée à une date antérieure à la décision définitive ayant homologué l’accord de conciliation (sauf fraude).
La fixation de la date de cessation des paiements emporte des conséquences non-négligeables.
Par exemple, les actes accomplis par le débiteur alors qu’il était déjà en état de cessation des paiements peuvent être frappés de nullité car réputés avoir été accomplis pendant ce qu’on appelle la « période suspecte » (période comprise entre la date de cessation des paiements et le jugement d’ouverture de la procédure collective).
Report de la date de la cessation des paiements
Comme évoqué ci-dessus, la date de cessation des paiements est fixée provisoirement dans le jugement d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.
Elle peut être remontée une ou plusieurs fois dans un jugement de report de la date de cessation des paiements.
L’administrateur judiciaire, le mandataire judiciaire (le liquidateur judiciaire en cas de liquidation judiciaire), et le ministère public peuvent diligenter une action en report de la date de cessation des paiements. C’est une action attitrée. Un créancier ne peut solliciter le report de la date de cessation des paiements.
L’action en report de la date de cessation des paiements ne peut être présentée au Tribunal que dans le délai d’un an après le jugement d’ouverture de la procédure. C’est la date du jugement et non celle de sa publication qui est prise en compte.
En cas de conversion d’une sauvegarde en redressement judiciaire, le point de départ du délai pour agir est le jour du jugement de conversion.
Selon la jurisprudence, la recevabilité de cette action n’est pas subordonnée à la vérification préalable des créances.
La date de cessation des paiements ne peut être remontée plus de 18 mois avant le jugement d’ouverture. Par ailleurs, le jugement d’homologation d’un accord de conciliation rendra, sauf en cas de fraude, impossible le report de la date de cessation des paiements antérieurement à la date de la décision définitive d’homologation.
La période comprise entre la date de cessation des paiements et le jugement d’ouverture s’appelle la période suspecte.
En résumé
Votre entreprise est en état de cessation des paiements si le montant de son passif exigible est supérieur au montant de son actif disponible.
La cessation des paiements suppose l’absence de disponibilités immédiates suffisantes pour payer le passif échu.
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