Lors de l’ouverture d’une procédure collective, le débiteur a l’obligation de déclarer l’ensemble de ses créances auprès du mandataire/liquidateur judiciaire.
Il doit, en effet, lui adresser, dans les huit (8) jours du jugement d’ouverture, la liste des créanciers.
Cependant, cette obligation de transparence, encadrée par le Code de commerce, ne signifie pas pour autant que le débiteur reconnaît le bien-fondé des créances qu’il déclare.
Le droit des entreprises en difficulté prévoit en effet que le débiteur peut contester les créances qu’il a lui-même portées à la connaissance du mandataire judiciaire.
Cet article explore les contours de ce droit de contestation.
1. La présomption de déclaration de créance : une obligation formelle, non une reconnaissance
L’article L. 622-6 du Code de commerce impose au débiteur de fournir, dans les huit (8) jours suivant le jugement d’ouverture de la procédure collective, une liste exhaustive des créanciers, incluant toutes les créances, même incertaines ou contestées.
Le Code de commerce, via son article L. 622-24, introduit une présomption selon laquelle le débiteur, en informant le mandataire judiciaire de l’existence d’une créance, agit pour le compte du créancier.
Cette présomption permet d’étendre la protection des créanciers, notamment ceux qui n’auraient pas déclaré leur créance dans les délais impartis. En effet, tant que le créancier n’a pas déclaré lui-même sa créance, le débiteur est présumé agir en son nom.
Néanmoins, cette présomption n’emporte pas reconnaissance du bien-fondé de la créance par le débiteur.
L’arrêt de la Cour de cassation du 3 juillet 2024 est particulièrement éclairant à cet égard : il rappelle que la déclaration de la créance par le débiteur ne vaut pas reconnaissance de dette. Ainsi, même si une créance est portée à la connaissance du mandataire judiciaire par le débiteur, ce dernier conserve le droit de la contester ultérieurement.
2. Une contestation postérieure possible
La question de savoir si le débiteur peut contester une créance qu’il a déclarée a longtemps divisé la doctrine. Certains considéraient que la présomption légale empêchait toute contestation ultérieure de la part du débiteur, arguant qu’une telle déclaration impliquait une reconnaissance implicite de la créance.
Cependant, la jurisprudence a tranché : le débiteur peut effectivement contester la créance qu’il a portée à la connaissance du mandataire judiciaire.
Dans l’arrêt du 3 juillet 2024, la Cour de cassation a clairement précisé que la simple communication d’une créance ne signifie pas que le débiteur en accepte la validité.
Cette décision s’inscrit dans une série de jurisprudences qui confirment que l’obligation de déclarer une créance ne préjuge pas de son bien-fondé. Il est donc possible pour le débiteur de contester une créance qu’il estime infondée, même après l’avoir déclarée.
Cela est notamment le cas lorsque la créance en question est incertaine ou fait l’objet d’un contentieux. En effet, le débiteur est tenu de déclarer toutes les créances, y compris celles contestées.
Cette obligation vise à garantir une transparence maximale dans l’établissement du passif, mais n’empêche pas le débiteur de contester la créance après coup.
3. Le relevé de forclusion : une faveur pour les créanciers hors délais
Le mécanisme du relevé de forclusion, prévu par l’article L. 622-26 du Code de commerce, permet à un créancier qui n’a pas déclaré sa créance dans le délai légal de régulariser sa situation.
Si le débiteur omet de mentionner un créancier sur la liste remise au mandataire judiciaire, ce créancier peut demander un relevé de forclusion, ce qui lui permettra de déclarer sa créance même après l’expiration du délai légal (étant précisé que l’action en relevé de forclusion ne peut être exercée que dans le délai de six (6) mois. Ce délai court à compter de la publication du jugement d’ouverture).
L’arrêt du 3 juillet 2024 a également précisé que l’omission d’un créancier de la liste établie par le débiteur ouvre automatiquement droit à un relevé de forclusion.
Cette solution protège le créancier négligent tout en préservant le droit du débiteur de contester le bien-fondé de la créance, même après l’avoir portée à la connaissance du mandataire judiciaire.
4. Conclusion : un équilibre entre transparence et droit de contestation
La possibilité pour le débiteur de contester une créance qu’il a portée à la connaissance du mandataire judiciaire constitue une garantie essentielle dans le droit des entreprises en difficulté. Si le débiteur est tenu de déclarer toutes les créances, y compris celles contestées ou incertaines, il ne renonce pas pour autant à son droit de les contester ultérieurement.
Cette flexibilité permet de concilier l’exigence de transparence imposée au débiteur dans l’établissement du passif avec la préservation de ses droits en matière de contestation des créances.
La jurisprudence récente, et notamment l’arrêt du 3 juillet 2024, illustre bien cet équilibre, en confirmant que la déclaration de créance par le débiteur ne vaut pas reconnaissance de son bien-fondé, et que ce dernier peut la remettre en cause dans le cadre de la procédure collective.
Référence de la décision : Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 3 juillet 2024, 23-15.715, Publié au bulletin
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