Le droit des baux commerciaux et des procédures collectives donne lieu à des litiges fréquents, notamment en matière de résiliation de bail pour défaut de paiement des loyers postérieurs au jugement d’ouverture d’une procédure collective.
L’arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 12 juin 2024 (Cass. com., 12 juin 2024, n°22-24.177) apporte un éclairage intéressant sur cette question en précisant le rôle du juge-commissaire et les conditions de résiliation du bail commercial.
Cet article analyse cette décision et revient sur ses implications pratiques.
Retour sur les faits
Dans cette affaire, une société (la bailleresse) avait conclu un contrat de bail commercial avec une autre société (la locataire).
Le 28 avril 2020, la société locataire a été placée en redressement judiciaire. Peu de temps après, le 10 septembre 2020, la société bailleresse a saisi le juge-commissaire d’une demande de constat de résiliation de plein droit du bail, invoquant le défaut de paiement des loyers postérieurs au jugement d’ouverture.
Le juge-commissaire, par une ordonnance rendue le 1er février 2021, rejette cette demande, considérant que les loyers avaient été payés.
La société bailleresse conteste cette décision et interjette appel. Cependant, la cour d’appel confirme l’ordonnance du juge-commissaire en relevant que le preneur avait effectivement payé les loyers échus postérieurement à l’ouverture de la procédure collective, le 9 septembre 2020, soit un jour avant la saisine du juge-commissaire par la bailleresse.
Le cadre légal : l’article L. 622-14, 2° du Code de commerce
L’article L. 622-14, 2º du Code de commerce dispose que le juge-commissaire, saisi d’une demande de constat de résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers relatifs à une occupation postérieure au jugement d’ouverture d’une procédure collective, doit vérifier que ces loyers demeurent impayés au moment où il statue.
En d’autres termes, même si le bailleur initie la procédure de résiliation, cette dernière ne peut pas être prononcée si les loyers ont été régularisés avant la décision du juge.
La position de la Cour de cassation
Dans son arrêt du 12 juin 2024, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la bailleresse. La Haute juridiction rappelle que le juge-commissaire doit s’assurer, avant de statuer sur la résiliation, que les loyers postérieurs à l’ouverture de la procédure collective n’ont pas été payés.
En l’espèce, la Cour constate que le locataire s’était acquitté des sommes dues le 9 septembre 2020, et que ce paiement avait été reçu par la bailleresse le 10 septembre 2020, jour de la saisine du juge-commissaire. Dès lors, le bail ne pouvait être résilié.
La Cour souligne que la créance de loyers postérieurs à l’ouverture de la procédure étant éteinte par le paiement du locataire, la demande de la bailleresse ne pouvait aboutir. Cet arrêt rappelle ainsi l’importance pour le bailleur de s’assurer que les loyers sont effectivement impayés au moment où il saisit le juge-commissaire.
Les implications pratiques de la décision
Cet arrêt de la Cour de cassation a des répercussions pratiques pour les bailleurs confrontés à une procédure collective. Il rappelle qu’un bailleur ne peut obtenir la résiliation de plein droit d’un bail commercial pour des loyers impayés postérieurs au jugement d’ouverture si ces loyers ont été payés avant que le juge-commissaire ne statue.
Cela signifie que le timing de la demande de résiliation est crucial : si le locataire régularise sa situation avant la décision du juge, la résiliation du bail sera rejetée.
Les bailleurs doivent donc être attentifs à la situation financière de leur locataire et agir rapidement en cas de non-paiement. Cependant, même en cas de saisine du juge-commissaire, la résiliation de plein droit ne pourra être prononcée si les créances sont régularisées avant que le juge ne statue.
Conclusion
L’arrêt du 12 juin 2024 apporte une clarification importante sur l’application de l’article L. 622-14, 2º du Code de commerce dans le cadre des procédures collectives. Il souligne l’importance du moment où le juge-commissaire statue sur la demande de résiliation d’un bail pour défaut de paiement de loyers postérieurs au jugement d’ouverture. Pour les bailleurs, cet arrêt appelle à la vigilance et à la réactivité face aux défauts de paiement des locataires placés en procédure collective.
Référence : Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 12 juin 2024, 22-24.177, Publié au bulletin
Vous avez une problématique en droit commercial, droit des entreprises en difficulté ou droit des sociétés ?
Réservez votre rendez-vous avec Maître Sheherazade AQIL sans plus attendre.