Lorsqu’une entreprise est placée en procédure collective, la question de la déclaration des créances et de la vérification du passif est cruciale, le but étant de déterminer le passif définitif de l’entreprise.
Tout créancier doit déclarer sa créance entre les mains du mandataire-liquidateur dans un délai de deux (2) mois (pour les créanciers nationaux) à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC (le bulletin officiel des annonces civiles et commerciales).
Passé ce délai, il est possible d’obtenir un relevé de forclusion mais sous conditions ! (le but étant, pour le créancier, de pouvoir déclarer sa créance et ainsi faire valoir ses droits, malgré l’expiration du délai légal pour ce faire).
1. Le cadre juridique : déclaration et relevé de forclusion
L’article L. 622-6 du Code de commerce impose au débiteur de transmettre la liste de ses créanciers au mandataire et à l’administrateur judiciaires dans les huit (8) jours suivant l’ouverture de la procédure collective.
Cette liste doit inclure toutes les créances, même celles qui sont contestées ou incertaines.
En cas d’oubli ou d’omission d’un créancier, ce dernier peut être relevé de la forclusion (article L. 622-26 du Code de commerce). L’action en relevé de forclusion ne peut être exercée que dans un délai de six (6) mois. Ce délai court à compter de la publication du jugement d’ouverture.
En l’absence de déclaration dans les délais, le créancier risque de voir sa créance inopposable au débiteur et de perdre son droit à être payé.
Cependant, s’il établit que sa défaillance n’est pas de son fait ou qu’elle est due à une omission du débiteur lors de l’établissement de la liste des créanciers, il pourra obtenir le relevé de la forclusion.
2. L’omission du débiteur n’empêche pas la contestation de la créance
L’inscription d’une créance sur la liste de l’article L. 622-6 ne vaut pas reconnaissance par le débiteur de cette créance. Comme précisé par la jurisprudence récente, même si le débiteur porte une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, il conserve le droit de la contester ultérieurement (à cet égard, voir l’article sur le sujet : « Le débiteur peut contester la créance qu’il a portée à la connaissance du mandataire judiciaire »).
Cette position empêche les débiteurs de justifier leur omission par le fait qu’ils contestent l’existence ou le bien-fondé d’une créance.
Dans un arrêt en date du 3 juillet 2024, la Cour de cassation rappelle que le débiteur ne peut exclure une créance de la liste simplement parce qu’il la conteste.
Même si le litige n’est pas encore tranché, le débiteur a l’obligation de mentionner la créance pour que le créancier puisse exercer ses droits dans la procédure collective. S’il omet de le faire, le créancier sera relevé de plein droit de la forclusion.
3. Le cas particulier des créances contestées
Le raisonnement de la Cour de cassation est illustré par une affaire où une société créancière n’avait pas été mentionnée dans la liste des créances du débiteur. Le débiteur, contestant cette créance, avait estimé qu’il n’était pas tenu de l’inscrire.
La Cour de cassation a rejeté cet argument, soulignant que l’omission de cette créance permettait au créancier d’être automatiquement relevé de la forclusion, peu importe que le débiteur la conteste.
Dans cette affaire, le créancier omis avait tardivement demandé au juge-commissaire d’être relevé de la forclusion. Malgré le rejet initial de sa demande, la cour d’appel et la Cour de cassation lui ont donné gain de cause, considérant que l’omission sur la liste des créanciers constitue en elle-même un motif suffisant pour le relevé de forclusion.
4. Implications pour les créanciers et débiteurs
Pour les créanciers, cet arrêt est une victoire, car il garantit que leur droit à déclaration de créance ne peut être écarté par une simple omission, même si leur créance est contestée par le débiteur.
Du côté du débiteur, cet arrêt impose de mentionner toutes les créances, y compris celles qu’il conteste, sous peine d’engendrer un relevé de forclusion automatique au bénéfice du créancier. Cette jurisprudence renforce donc l’obligation de transparence du débiteur dès le début de la procédure collective.
5. Conclusion
En résumé, l’omission d’un créancier sur la liste prévue à l’article L. 622-6 du Code de commerce ouvre la voie à un relevé de forclusion de plein droit, même si la créance est contestée par le débiteur. Cet arrêt récent renforce la sécurité des créanciers dans les procédures collectives en assurant qu’une omission ne peut priver un créancier de ses droits
Référence de la décision : Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 3 juillet 2024, 23-15.715, Publié au bulletin
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