Dans le domaine du droit des entreprises en difficulté, chaque décision de la Cour de cassation apporte son lot de clarifications et de conséquences pratiques.
L’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 20 novembre 2024 (n°23-12.297) apporte des précisions fondamentales en matière d’obligations des dirigeants face à la cessation des paiements de leur entreprise pendant une procédure de conciliation.
A titre liminaire, il est précisé qu’une procédure de conciliation, telle que visée dans cet arrêt, est une procédure préventive de traitement des difficultés des entreprises. Elle est amiable et confidentielle.
Cet article décrypte les enjeux et apports de cet arrêt qui est essentiel pour les chefs d’entreprise et les praticiens du droit des entreprises en difficulté.
LE CONTEXTE JURIDIQUE ET FACTUEL
La cessation des paiements est une notion centrale du droit des entreprises en difficulté.
Elle détermine non seulement les conditions d’ouverture des procédures collectives, mais également la responsabilité des dirigeants en cas de non-déclaration dans les délais impartis.
En effet, selon la Loi, quand une entreprise est en état de cessation des paiements, le dirigeant a l’obligation, dans les 45 jours qui suivent, de solliciter l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire sauf s’il a sollicité l’ouverture d’une procédure de conciliation (une entreprise est en état de cessation des paiements quand la trésorerie dont elle dispose n’est plus suffisante pour régler ses dettes exigibles).
Le dirigeant qui déclare sciemment tardivement l’état de cessation des paiements de son entreprise s’expose à des mesures de sanctions (exemple : interdiction de gérer).
Dans cette affaire, le dirigeant d’une société qui a bénéficié d’une procédure de conciliation a, par la suite, lorsque sa société a été placée en liquidation judiciaire, été condamné en responsabilité pour insuffisance d’actif notamment pour ne pas avoir déclaré la cessation des paiements dans les 45 jours.
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel, estimant que l’obligation de déclaration de la cessation des paiements est suspendue pendant la procédure de conciliation.
LES ENSEIGNEMENTS DE L’ARRET
SUSPENSION DE L’OBLIGATION DECLARATIVE PENDANT LA CONCILIATION
La Cour de cassation juge, dans cet arrêt, que le dirigeant est dispensé de déclarer la cessation des paiements de son entreprise si celle-ci intervient pendant une procédure de conciliation.
Cette solution s’inscrit dans l’esprit de la Loi, qui encourage l’utilisation des procédures amiables pour résoudre les difficultés des entreprises.
En effet, il doit être rappelé que la conciliation est une procédure ouverte aux personnes exerçant une activité commerciale ou artisanale qui éprouvent des difficultés juridiques, économiques ou financières, avérées ou prévisibles, et ne se trouvent pas en état de cessation des paiements depuis plus de 45 jours.
Par conséquent, une entreprise qui est en état de cessation des paiements mais depuis moins de 45 jours peut tout à fait solliciter l’ouverture d’une procédure de conciliation.
OBLIGATION IMMEDIATE A LA FIN DE LA CONCILIATION
Attention : à l’expiration de la procédure de conciliation, l’obligation de déclaration de la cessation des paiements renaît immédiatement.
Cela signifie que le dirigeant, à l’expiration de la procédure de conciliation, doit, si son entreprise est en état de cessation des paiements, le déclarer dans les 45 jours, sous peine de s’exposer à des sanctions pécuniaires et/ou personnelles.
RÉFÉRENCES DE LA DÉCISION
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 20 novembre 2024, 23-12.297, Publié au bulletin
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